Une culture conviviale de proximité

Arts Métiss’ est née en 1994.


 L’association a pour objectif de d’accueillir des projets culturels individuels ou collectifs. 

Des ateliers de théâtre, de danse, d’écriture, de cinéma et de sculpture ont vu le jour .

    Arts Métiss’ met en place une programmation d’animations culturelles sur l’année dans des lieux  non dédiés à la diffusion de spectacles vivants (maison, grange, petite salle).

Elle développe des liens avec d’autres partenaires (associations, la Communauté de Communes du pays de Pouzauges et le centre culturel l’Echiquier), avec par exemple le FESTIVAL DES SOLIDARITES chaque année en novembre, dans le cadre des semaines de la solidarité international.

Depuis peu, elle mène un projet de collectage sur la « mémoires ouvrières » au Pays de Pouzauges et  est aussi devenu une maison d’édition de livres d’arts.

    Arts Métiss’ dispose d’un espace culturel d’expositions et de scène de spectacles vivants , « Espace Jean Galipeau », La Chemillardière Saint Mesmin (85).


Arts Métiss’ 

Pour une culture de proximité au pays de Pouzauges

pour tous et avec tous.


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Toute une histoire

Jean Galipeau est né le 1er mai 1903, dans une maison misérable de ce qui allait plus tard devenir la rue Desnoues, dans la paroisse du Vieux-Pouzauges, en Vendée. Masure de pierre, ne comprenant qu’une pièce au sol de terre battue, sa maison natale était ce qu’on appelait encore « un creux de maison ». De petites gens y vivaient, habitués à courber l’échine devant tous les pouvoirs. La famille Galipeau était doublement exclue : économiquement, comme tant d’autres, mais aussi socialement et idéologiquement.

En effet, un peu plus d’un siècle plus tôt, un aïeul de Jean Galipeau, Marie-Amédée, paroissien sans histoire jusqu’en 1789, avait pris fait et cause pour l’abbé Dillon. Au moment de l’élection du curé du Vieux-Pouzauges aux Etats Généraux, il avait partagé la fierté de toute la population. Quelques semaines plus tard, quand ce représentant du clergé quitta son groupe pour se joindre au tiers- états , Marie-Amédée continuea de lui apporter son soutien, alors que beaucoup se taisaient.

En effet, après l’approbation par l’abbé renégat de la proposition de Talleyrand, le 10 octobre 1789, d’affecter l’ensemble des biens de l’église au paiement de la dette nationale, il resta l’un des derniers et farouches partisans de celui qu’il nommait publiquement « juste parmi les justes ».

Marie-Amédée vit alors les portes se fermer. On alla jusqu’à lui interdire l’entrée de l’église, et pour les décennies à venir, la famille Galipeau fut mise au ban de la société.

Léonce, le père de Jean, cherche-pain dans son jeune âge, fut embauché, dès leur ouverture, aux carrières d’antimoine du Boupère. Marie, sa femme, gagnait quelque menue monnaie à laver le linge des dames de Pouzauges. Leur masure sentait bon le bon vieux temps, celui de la tradition nostalgique, ce temps où des effluves de purin de la ferme voisine remontaient à la surface du sol d’argile de l’unique pièce où s’entassèrent jusqu’à dix-sept personnes : les parents Galipeau, le grand-père alcoolique, la grand-mère tuberculeuse, et les treize enfants dont six moururent en bas âge.

Jean était le septième dans la fratrie. Dès son plus jeune âge apparut sa forte personnalité. Il refusait de baisser le regard devant le curé ou le maire, se lia d’une amitié clandestine avec la fille d’un tisserand bien pensant de Pouzauges. Son unique objectif, dira-t-il plus tard, était d’apprendre à lire et à écrire (mais aussi, ajoutait-il en aparté, de découvrir le mystère qui se cachait sous les jupons de la gamine).

Jean Galipeau n’a laissé que peu d’informations sur son enfance. Il l’évoque de manière évasive dans les trois lettres qu’il a adressées à Gaston Chaissac en 1953, parlant du « temps béni de la liberté sans bornes » et de ses « premiers affrontements avec les puissants aux pieds d’argile ».

En 1915, il entre comme ouvrier aux abattoirs Biré, et son goût pour la provocation s’affiorme : « pendant que les uns crèvent la gueule dans la boue, d’autres s’enrichissent avec des boîtes de bœuf bouilli qu’ils envoient au front » écrit-il rageusement dans un courrier qu’il adresse le 15 juillet 1916 à l’internationale pacifiste.

C’est peut-être ce qui l’amène, la même année, à subtiliser la « pétrolette » de son contremaître (« Mes copains chapardaient des vélos et je trouvais cela ringard. Si les voyous ne suivent pas le progrès, ils n’ont pas d’avenir », dira-t-il plus tard avec cet humour dont raffoleront tant de bourgeois en mal de sensations fortes).

Quoiqu’il en soit, ce premier larcin le mènera pour la première fois hors de la Vendée, au bagne pour enfant (il n’a que 13 ans) de Mettray, près de Tours. Il y purge sa peine, mais ne rentre pas au pays. Il gagne Paris et y fait divers petits métiers, anonyme dans la foule de la capitale. Il rencontre Maurice Chevalier et Mistinguett qui l’introduisent dans les milieux artistiques, et l’on retrouve Jean Galipeau comédien sur les boulevards. Son principal talent semble avoir été de faire des acrobaties, rarement prévues dans les didascalies des auteurs. Le bouche à oreille en fit la coqueluche de la capitale, à tel point que l’on nomma galipettes ses pitreries physiques.

Une autre version indique que ce serait d’exploits tout aussi physiques, mais beaucoup plus intimes, que serait né ce mot.

Suit alors une longue zone d’ombre dans la vie de Jean Galipeau.

Il semble qu’il soit revenu en Vendée pendant la seconde guerre mondiale, a^près avoir côtoyé un temps le groupe Octobre. Gérard Oury, dans une interview à Cinéphare en 1971 indique qu’il aurait créé le personnage du baryton poseur de bombe à l’opéra, dans La grande vadrouille, en hommage à un artiste provincial au talent incertain. Peut-être Jean Galipeau ?

Dans le brûlot clandestin Ravachol paraît en date du 5 janvier 1941 un courrier au vitriol intitulé Qu’ont-il fait de mon pays, où l’on peut lire « (…) et aujourd’hui, sénateur Jean Yole, tu as jeté le masque, t’agenouillant devant le maréchal. Pas étonnant, car qui a vraiment lu tes écrits aura constaté que tu y fais en permanence l’apologie d’un peuple soumis et fataliste ». Cet article est signé J.G. S’agit-il de Jean Galipeau ?

En 1947, Jean Galipeau trouve un emploi de jardinier à l’hospice de la Chaize- le-Vicomte. Les descendants des pensionnaires de l’époque se souviennent de ce jardinier animateur des après-midis de grisaille, qui savait redonner le sourire aux résidents. 

Son dernier « exploit » date de 1959. Le 18 septembre, il vole une mobylette et est arrêté par la gendarmerie entre La Ferrière et Les Essarts. La main courante rédigée à l’issue de son audition donne les motifs de ce larcin : « J’ai retrouvé un sens à ma vie pendant les quelques jours que j’ai passés avec Jean Gabin, Noël Noël et Pierre Fresnay. Leur départ a été pour moi un arrachement. Je voulais les rejoindre. » (ces trois acteurs étaient venus quelques mois plus tôt à la Chaize-le-Vicomte tourner une scène du film de Gilles Grangier Les vieux de la vieille). Mais cette main courante mentionne aussi que ce larcin serait « le troisième de ma lamentable existence ».

Mystère donc autour de ce qui fut son deuxième délit.

Jean Galipeau mourut le 11 septembre 1963, la même année qu’Edith Piaf et Jean Cocteau. Selon ses souhaits, il fut incinéré et ses cendres déposés devant le mur des Fédérés. Il n’a pas de descendant reconnu, mais ses six frères et sœurs ont donné naissance à un lignage abondant qu’Arts-Métiss a souhaité réunir le 1er février 2003 pour fêter le centième anniversaire de la naissance de ce Vendéen de l’ombre, de cette ombre de Vendéen.

Nous restons toujours à la recherche de toute mémoire, de tout document, de tout objet lui ayant appartenu ou y faisant référence.

 

Ainsi Mme Philomène Crapouineau nous a confié ce témoignage

« C’était à la Saint-Jean de 1936. Jean Galipeau m’avait donné rendez-vous dans la clairière centrale, à la nuit tombée. Cette invitation m’intriguait : je ne l’avais pas revu depuis l’école. Il était monté vivre sa vie à la capitale, et on disait qu’il s’y était fait une petite renommée en tant qu’artiste. Ce qui s’est passé cette nuit-là ? (rire) Ah ça ne comptez pas sur moi pour vous le dire. Mais je peux vous faire une confidence : le bois aurait bien mérité un pluriel à son nom ! Voyez, cinquante ans plus tard, j’en rougis encore et mon cœur palpite. Ah si les pierres et les arbres pouvaient parler ! (soupir) Mais c’est loin tout ça, et parfois je me demande si cette nuit a vraiment eu lieu… Lui, il est reparti dès le lendemain, et je ne l’ai plus revu. Bien plus tard, j’ai appris que les Parisiens appelaient « galipettes » les fantaisies physiques que Jean Galipeau imaginait dans l’intimité. Eh bien, croyez-moi, cette réputation n’est pas usurpée, je peux en témoigner. »

Entretien avec Philomène Crapouineau, le 15 05 1996

Enregistrement n° 6437/PC/F2

C'est cette nuit-là, en hommage au site, mais aussi, à n'en pas douter, à la topographie crapouinienne, que Jean Galipeau a créé le contrepet connu depuis sous l'appellation de "contrepet vendéen" : «  Quelle vue et quel bocage, hein ? »